DOI :http://dx.doi.org/10.14718/ RevArq.2015.17.1.9

PROYECTO ARQUITECTÓNICO Y URBANO

Pour une histoire de la transformation des édifices Composer avec la préexistence

Para una historia de la transformación de edificios Componer con la preexistencia

For a history of the transformation of buildings Dealing with the existing

Laure Jacquin*

Université Paris-Est, París (Francia) Laboratoire IPRAUS - Institut Parisien de Recherche : Architecture, Urbanistique, Société. (ENSA Paris-Belleville)

* Baccalauréat Lycée Chateaubriand, Rome, mention assez bien. Diplôme d’État d’Architecte à l’ENSA Marseille-Luminy, et Habilitation à la Maîtrise d’oeuvre en son Nom Propre à l’ENSA Marselle-Luminy Master Recherche à l’ENSA Paris-Belleville Doctorante en Architecture, l’Université Paris-Est au sein du laboratoire de l’IPRAUS (ENSA Paris-Belleville). Enseignement à l’ENSA Paris-Belleville : (2014) Licence 1 TPCAU (théorie et pratique de la conception architecturale et urbaine) ; Depuis 2014, Chargée de Travaux Dirigés d’analyse urbaine, L2; (2013) Séminaire Master 1 et 2 « Patrimoine et Projet ». Enseignement à l’ENSA Paris Val-de-Seine : (2013) Chargée de TD d’analyse urbaine, L1, Enseignants référents : Elisabeth Essaian, Xavier Malverti; et Chargée de TD de cartographie et géographie, L3 , Enseignants référents : Aleth Picard, Xavier Malverti Distinctions Allocation d’Études spécialisées, Ministère de la Culture et de la Communication, 2011-2014. Bourse, Fondation pour les Monuments historiques, 2014. Publications (2014), « Conserver et mettre en valeur les fortifications de montagne, l’exemple de la restauration du Castelgrande et l’aménagement de la piazza del Sole à Bellinzona » dans les actes du colloque Fortifier la montagne tenu à Toulouse les 12-14 novembre 2014, presses universitaires de Toulouse le Mirail. (2013), « Représenter le projet dans l’existant » in Revue Monumental, numéro spécial « Architecture contemporaine et monuments historiques », Éditions du patrimoine, Paris, semestriel 1, juin 2013, p. 33-34. (2008), Piscina sull’isola dans « Bauen Am Rein », sous la direction de Peter Zumthor jacquin.laure@hotmail.fr

 

Referencia: Jacquin, L. (2015). Pour une histoire de la transformation des édifices. Composer avec la préexistence. Revista de Arquitectura, 17(1), 92-100. doi: 10.14718/ RevArq.2015.17.1.9

Recibido:octubre 01/2014 Evaluado:mayo 30/2015 Aceptado: junio 26/2015


RESUMEN

La intervención arquitectónica sobre lo existente se ha convertido, al día de hoy, en un nuevo paradigma de proyecto, demandando desde la historia de las prácticas arquitectónicas, una nueva mirada que se nutra de los intereses actuales. A partir de la hipótesis según la cual, las prácticas antiguas pueden proveer, aún hoy en día, herramientas para pensar el proyecto, en este artículo se propone el análisis de dos edificios notables —la iglesia de Saint-Denis (Francia) y el Temple de Malatesta (Italia)— desde un enfoque que privilegia la relación establecida entre lo antiguo y lo nuevo en el proyecto arquitectónico, y cuyo interés se centra en la evolución de las problemáticas y los desafíos en dicho campo, así como en el análisis de las posiciones de los arquitectos. Se abordan aquí dichos aspectos, desde la perspectiva de la relación entre lo antiguo y lo nuevo en el proyecto, y de sus etapas de transformación, traducidas y puestas en evidencia a través del dibujo, con el objetivo de reposicionar en un marco cronológico amplio, la historia de la ejecución del proyecto en lo existente.

Palabras clave: arquitectura religiosa, composición arquitectónica, Leon-Battista Alberti, monumentos históricos, patrimonio, restauración, teoría arquitectónica.


ABSTRACT

The architectural intervention that exists has become, today, a new paradigm of the project, demanding from the history of architectural practices, a new look that draws on existing interests. From the hypothesis that ancient practices can provide, even to this day, tools to think the project, in this article the analysis of two notable buildings is proposed – the church of Saint-Denis (France) and the Temple in Malatesta (Italy) - from an approach that favors the relationship established between the old and the new in architectural projects, whose focus is on the evolution of the issues and challenges in this field, as well as the analysis of the architects’ positions. These aspects are discussed here from the perspective of the relationship between the old and new in the project, and its transformation stages, translated and brought out through drawing, with the aim of repositioning in a broad time frame, the history of project execution in the existing one.

Palabras clave: Religious architecture, architectural composition, Leon-Battista Alberti, historical monuments, heritage restoration, architectural theory


RÉSUMÉ

Au moment où l’intervention dans l’existant est devenue un paradigme de projet, l’histoire de ces pratiques architecturales demande à être envisagée avec un nouveau regard nourri des intérêts actuels. Partant de l’hypothèse que les pratiques anciennes peuvent fournir des outils pour penser le projet aujourd’hui, l’article propose d’analyser deux édifices remarquables -L’église de Saint-Denis (France) y Le Temple de Malatesta (Italie)- du point de vue de la relation établie entre l’ancien et le neuf dans le projet réalisé par l’architecte ; l’’intérêt étant centré sur l’évolution des problématiques et des enjeux dans ce domaine et analyse la position des architectes. Ces aspects sont abordés en se plaçant sous l’angle du projet et du rapport entre le neuf et l’existant, que l’on traduit par le biais du dessin qui met en évidence la relation entre les deux, ainsi que les étapes de la transformation. Il vise, ainsi, à replacer l’histoire de la fabrication du projet dans l’existant dans une perspective chronologique ample.

Key words: architecture religieuse, composition architecturale, Leon-Battista Alberti, monuments historiques, patrimoine, restauro, théorie architecturale.


INTRODUCCIÓN

Cet article est issu d’un travail de master recherche "Projeter dans l’existant" dont l’objectif était la préparation de la thèse en cours qui porte sur l' " Architecture contemporaine dans les Monuments historiques en France (1964-2012). Projets et polémiques " effectuée sous la direction de Jean-Philippe Garric et financée par le Ministère de la Culture et de la Communication, et la Fondation Pour les Monuments Historiques.

De nos jours, une part conséquente de la commande architecturale dans les grandes villes européennes chargées d’histoire porte sur des transformations d’édifices anciens. On constate ainsi, que la notoriété de certains architectes repose sur des opérations de ce type. Jacques Herzog et Pierre de Meuron ont été reconnus par la critique architecturale suite à l’opération de la Tate Modern à Londres puis à celle de la Caixa à Madrid ; Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal après leur intervention à la Tour Bois-le-Prêtre ; la transformation de l’Opéra de Lyon est considérée comme une des oeuvres majeures de Jean Nouvel. Cette évolution accompagne un regain d’intérêt pour la ville historique1qui se manifeste depuis le début des années 1960, notamment avec des courants comme celui de la Tendenza. De ce point de vue le projet dans l’ancien répond à une sensibilité actuelle.

Dans le domaine de la restauration, les Architectes en Chef des Monuments Historiques français, qui jusqu’au début des années 1960 appliquaient les principes élaborés au XIXe siècle par le Service des Monuments Historiques2 (restauration dite à la française ou stylistique), commencent à s’en écarter et revendiquent une posture de créateurs3.

On observe ainsi une rencontre entre deux milieux qui étaient jusque-là clairement divisés (restaurateurs et créateurs), certains les architectes choisissant de créer dans des édifices existants, tandis que les architectes formés à la restauration revendiquent la possibilité de créer dans les Monuments.

À cela s’ajoute la complexité des statuts des architectes français concernés, qui souligne la nécessité d’intégrer et d’harmoniser l’enseignement du projet, de l’histoire dans les édifices existants dans le cursus les études d’architecture. En effet, à côté des Architectes en Chef des Monuments Historiques4, qui sont censés se charger de la restauration des grands Monuments nationaux, on trouve maintenant des architectes du patrimoine5, des architectes titulaires d’un DSA 6 patrimoine, qui s’occupent de restauration de Monuments classés ou non, et des architectes DPLG 7 ou HMNOP 8, qui sont susceptibles eux aussi de projeter dans l’existant bien que n’ayant pratiquement pas bénéficié d’une formation spécifique dans ce domaine particulier, ni sous l’angle du projet, ni sur le plan technique. Face à cette situation, depuis peu, on voit se mettre en place en cycle master pour former les architectes au projet dans l’existant.

Il y a certes là un phénomène de mode, mais la situation amène à s’interroger, au-delà des notions de restauration, sur les références architecturales qui sous-tendent les projets, sur les principes et les attitudes adoptés par les architectes, et sur les conséquences de ce renouvellement des pratiques. La multiplication des interventions dans l’existant pose de nombreuses questions allant de la compétence des intervenants au choix des outils à utiliser pour représenter un projet dans l’existant, en passant par les critères adoptés pour choisir ce que l’on va conserver et pour vérifier le caractère conservateur de l’intervention. De cette réflexion émerge une piste qui oriente vers l’histoire des pratiques pour interroger la fabrication du projet architectural dans l’existant.

MÉTHODOLOGIE

L’étude développée ici s’est donné pour objectif de revisiter l’histoire des pratiques au regard du projet dans l’ancien. C’est en confrontant la notion de composition à des édifices majeurs de l’histoire de l’architecture que l’on propose ici de traiter la question. Deux constructions emblématiques de l’histoire de l’architecture seront étudiées à partir de la notion de composition, pour tenter de comprendre si elle peut conduire à un renouvellement des références sur lesquelles reposent l’enseignement et la pratique du projet. En effet, les pratiques de transformation des édifices sont présentes dans l’histoire depuis l’Antiquité, mais les positions et les attitudes par rapport à cette question ont évolué sous l’influence d’évènements importants ou de mutations culturelles et techniques, tels que la Révolution française et l’industrialisation de la construction, qui ont modifié la relation au passé et à la matière des édifices.

Le thème de la restauration a fait l’objet de réflexions dès le début du XIXe siècle et les positions adoptées tant par les théoriciens que par les praticiens ont profondément évolué depuis cette date. Dans le cadre de cet article, on se limitera à signaler uniquement les personnalités et les évènements les plus marquants dans ce domaine. Eugène Viollet-le- Duc (Viollet-le-Duc, 1800) joua au départ un rôle déterminant en imposant le dogme de la restauration stylistique, une attitude qui fut rapidement contestée par certains. La critique devint constructive et efficace avec l’intervention de Camillo Boito (2000) et de Cesare Brandi (2000) qui s’opposent à la falsification des monuments et prônent une restauration philologique. Les idées du premier sont présentes dans la Charte de Venise, à laquelle le second mit directement la main en 1964.

Face à la densité des publications portant sur la restauration, on constate que les réalisations architecturales et les processus techniques de composition avec l’existant n’y sont que rarement traités et généralement de manière fragmentaire. Une tentative en ce sens a été faite dans le cadre d’un ouvrage collectif, Verso una storia del restauro, dirigé par Stella Casiello et Roberto Pane (Casiello, 2008). Cet ouvrage nous intéresse particulièrement ici, parce qu’il replace la pratique du « restauro » (terme qui, en Italie, recouvre un sens bien plus large que celui du mot restauration) dans une perspective historique ample, débordant par rapport au débats des théoriciens en intégrant la période précédant l’institutionnalisation des pratiques de restauration qui a eu lieu au XIXe siècle.

Dans ce recueil, constitué de neuf articles, chacun des auteurs retrace l’évolution des attitudes adoptées face à la réutilisation de bâtiments anciens en examinant des exemples de transformations d’édifices ou d’objets. Chaque fois, une attention particulière est portée au contexte histohistorique et artistique de la période considérée, au parcours de l’architecte, ainsi qu’à ses écrits. Les textes s’appuient parfois sur des plans et souvent sur des illustrations des édifices, des photographies, des monnaies, des croquis d’époque… Cet ouvrage donne un aperçu de l’évolution des attitudes dans le temps en ayant pour fil conducteur l’histoire. En revanche, l’analyse des transformations y occupe une place marginale. Les propos développés par les auteurs restent focalisés sur des questions historiques plutôt que sur la composition architecturale et l’analyse se traduit sous la forme d’une narration accompagnée de rares supports graphiques et visuels. En contrepartie, les travaux de ces auteurs fournissent le support utile, ainsi que des pistes de réflexion stimulantes dans la perspective d’une analyse plus spécifiquement architecturale.

Les deux cas étudiés dans cet article précèdent la constitution théorique de la notion de patrimoine, de conservation et de restauration. En cela ils peuvent servir de support à une réflexion concernant spécifiquement le projet avec un édifice existant comme composition composite.

Ces deux interventions sont l’extension de l’église Saint-Denis par l’Abbé Suger en 1135 et la rénovation du temple de Malatesta à Rimini par Leon-Battista Alberti en 1443. Ces deux projets ont pour raison d’être l’encadrement et la mise en valeur de tombeaux, et, malgré cette similitude dans les objectifs, les architectes ont donné des réponses spatiales très différentes. Ainsi nous verrons comment, à Saint-Denis, l’ensemble de la nouvelle composition se fait dans la continuité avec l’ancien, alors qu’au temple de Malatesta elle se fait dans la confrontation et le contraste avec l’ancien.

RÉSULTATS

Composer dans la géométrie de l’existant : L’église de Saint-Denis (France)

L’agrandissement de l’église Saint-Denis en France a été effectué par l’abbé Suger, alors responsable de la congrégation, entre 1135 et 1148. Les travaux sont entrepris durant une période de grande prospérité de la congrégation attachée à ce lieu de culte, et la situation économique favorable permet des réalisations de grande ampleur. La transformation a pour but de répondre à "l’affluence des fidèles", en mettant l’accent sur la sacralité du lieu, déjà largement reconnue.

Rappelons que cette réalisation est considérée aujourd’hui comme la première expression du style gothique dans un édifice religieux, et occupe une place importante dans l’histoire de l’architecture 9.

Aperçu historique

Le sanctuaire existant avant l’intervention de l’Abbé est de petites dimensions. Il se compose de deux édifices imbriqués mais désaxés l’un par rapport à l’autre : une église carolingienne, datant de 775, orientée au sud-est et la chapelle d’Hilduin, construite en 832, orientée à l’est. L’église carolingienne, de plan cruciforme, possède un choeur en forme d’abside et une nef bordée de part et d’autre de collatéraux. Outre le fait qu’ils sont désaxés, les deux corps de bâtiment se trouvent à des niveaux différents, l’église étant de plain-pied avec le sol extérieur alors que la chapelle est semi-enterrée. Par son intervention, l’abbé Suger ajoute une troisième strate à l’édifice. (Illustration 1)

Analyse

Après l’exécution de réparations portant sur les structures qui seront conservées, la construction débute en 1140 avec l’adjonction d’un nouveau narthex, suivie par celle d’un nouveau choeur en 1144, par celle du transept et de la nef en 1145 et, enfin, en 1148, par l’érection de la tour sud. Une partie du projet de Suger reste inachevée à sa mort, mais son oeuvre est poursuivie par ses successeurs. Aujourd’hui, le narthex et le choeur que Suger fit réaliser sont encore intacts, tandis que la nef a été largement remodelée ultérieurement. Les raccords entre neuf et ancien peuvent toutefois être encore bien observés dans la crypte de la chapelle, sous le choeur actuel. (Illustration 2)

L’opération menée par Suger entraîne des démolitions ponctuelles permettant l’élargissement de l’espace de l’église. La façade de l’église carolingienne est déposée ainsi qu’une partie conséquente de l’enveloppe de la chapelle. Ces démolitions permettent de mieux les englober dans la nouvelle église.

Le plan de cette dernière se développe en longueur : l’accès se fait par un narthex, qui se prolonge par une nef flanquée de bas-côtés et se termine par un choeur circulaire en hauteur par rapport au niveau du sol de la nef. La structure du choeur est fine et élancée, laissant entrer la lumière par de larges baies munies de vitraux. Le choeur et les parties conservées de la chapelle d’Hilduin forment un nouvel ensemble homogène sur deux niveaux : le niveau bas, dans lequel se trouvent les murs conservés de la chapelle et le niveau haut, surélevé par rapport à la nef qui définit le déambulatoire du choeur.

Composition par la géométrie

Si dans cet édifice les structures nouvelles s’articulent harmonieusement avec les éléments anciens au sein d’une composition qui apparaît comme unitaire, c’est grâce au rôle que l’on a fait jouer à la géométrie dans la conception du projet.

L’orientation du choeur construit par Suger reproduit celle de la chapelle de l’Hilduin, qui est intégrée au nouvel ensemble. Le narthex et le prolongement de la nef, en revanche, adoptent l’orientation de l’église carolingienne. Les irrégularités dans l’arc de cercle formé par le choeur de la chapelle se retrouvent dans l’adjonction. Le décalage des axes, à partir duquel Suger organise sa composition, n’est perceptible qu’en plan et constitue l’élément qui contribue à assurer l’homogénéité de l’ensemble. (Illustration 3)

Typologie, morphologie

Au plan inférieur, qui correspond à celui de la chapelle de l’Hilduin, Suger conserve une partie des murs antérieurs et y adjoint des chapelles rayonnantes sur le pourtour, en élargissant ainsi sa forme semi-circulaire. Au niveau supérieur, la structure de la façade du choeur est constituée de piliers largement espacés qui définissent de grandes baies convexes laissant entrer la lumière de manière spectaculaire et innovante : le vide prend le pas sur le plein. (Illustration 4)

Matériaux, structure

La nouvelle construction se fonde sur les restes anciens et les prolonge en élévation. Il n’y a aucun souci de réversibilité de l’intervention, mais au contraire une volonté de d’assurer la pérennité des nouvelles structures.

La pierre calcaire employée pour l’ensemble des nouvelles constructions est la même que celle des constructions antérieures. Cette constante dans le choix des matériaux assure la liaison entre les éléments.

Ce matériau n’est pourtant pas traité de la même manière car la taille et les sections de la pierre sont nettement plus fines dans l’intervention de Suger. Cette différence de mise en oeuvre est due à l’évolution des techniques, ainsi qu’à l’adoption de registres architecturaux (croisées d’ogive, arcs brisés) visant à ouvrir largement l’édifice à la lumière.

Rapport au passé

Bien que l’écart de temps qui sépare la construction des édifices existants de l’intervention de Suger est de trois cents ans pour la chapelle d’Hilduin et de quatre cents ans environ pour l’église carolingienne, on remarque que, dans cette intervention, tous les éléments portent à voir une forme de continuité dans la relation à l’architecture existante. À la fois dans les matériaux employés, dans la composition architecturale qui reprend les axes et orientations de l’existant que dans l’unité nouvelle proposée. Les styles architecturaux ne sont pas les mêmes, mais l’emploi des mêmes matériaux, la reprise des alignements de colonnes, de formes, d’axes de composition se présentent plutôt comme une évolution linéaire que comme une rupture ou une mise à distance avec le passé.

Attitude architecturale

L’entrée dans l’église est désormais articulée en trois séquences définies par l’espace et par la lumière : le fidèle pénètre dans le narthex qui le plonge dans l’obscurité puis, plus il s’avance dans l’église, plus la lumière s’intensifie pour atteindre son apogée dans le choeur. L’architecture éveille et alimente le sentiment de spiritualité à travers une illumination que rendent possible les nouvelles techniques de construction.

Interroger le projet au regard de questionnements actuels

Cette intervention ne peut pas être considérée comme réversible selon les critères actuels de la Charte de Venise (1964) dans la mesure où les ajouts font corps avec l’existant à tel point qu’ils ne peuvent être retirés. La nouvelle réalisation donne néanmoins la possibilité, à l’oeil éveillé, de lire et de retrouver l’organisation et les caractéristiques des structures préexistantes. Elle est donc irréversible mais lisible.

Ce premier cas encourage à reconsidérer la querelle entre création et conservation sous un nouveau jour, car ici, création et conservation vont de pair. Aucun conflit ne s’instaure entre ce qui préexiste et ce qui est ajouté, le résultat de la transformation est un nouvel édifice fait de parties neuves et anciennes qui forment un nouvel ensemble. C’est par la géométrie et le travail sur les axes que l’ensemble trouve une cohérence. Dans cet exemple on peut donc observer un projet neuf qui se fabrique à partir de la logique des constructions existantes et dans la continuité avec celles-ci. On peut le comparer à la transformation du Castelgrande de Bellinzona (Suisse) où Aurelio Galfetti a adopté la même attitude.

Composer dans la confrontation Avec l’ancien : Le Temple de Malatesta (Italie)

Le deuxième cas étudié est celui de l’église San Francesco à Rimini, transformé en Temple de Malatesta par Léon-Battista Alberti (1404-1472), considéré comme « la personnalité la plus influente dans l’histoire de l’architecture de la Renaissance» (Casiello, 2008, p. 81). Parmi les études portant sur le Temple de Malatesta on citera celle que donne Franco Borsi (1980) dans sa monographie consacrée à l’architecte, qu’il caractérise comme étant son oeuvre majeure. Dans son analyse, l’auteur se concentre sur la composition de la façade neuve d’Alberti (insistant sur la référence de l’architecte aux modèles antiques) ainsi que sur la restitution du projet d’ensemble (comprenant la façade principale et la coupole), mais il porte en revanche peu d’attention au rapport avec l’édifice préexistant. De fait, si cette réalisation occupe une place de choix dans les manuels d’architecture, elle mérite aussi d’apparaître dans une « histoire de la transformation des édifices », posture défendue par Roberto Pane dans sa contribution, «L’antico e le preesistenze tra Umanesimo e Rinascimento», à l’ouvrage collectif Verso una storia del restauro (Casiello, 2008). L’article décrit les conditions économiques, sociales, politiques et culturelles du projet, discute du rapport aux préexistences explicité dans les écrits d’Alberti, mais la relation entre neuf et ancien ne fait pas l’objet d’une attention poussée.

On se concentrera donc ici sur la nature de la relation établie entre l’église existante et les façades d’Alberti pour essayer de compléter ainsi les études portant sur cet édifice qui ont été publiées.

Aperçu historique

En 1447, Sigismond Malatesta, souverain de Rimini, exprime le souhait de transformer l’église de Saint-François (XIIe siècle) en un mausolée réservé à sa propre famille, les Malatesta, ainsi qu’aux hommes « illustres » de sa cour. Il confie cette mission à Leon-Battista Alberti, dont l’oeuvre sera interrompue suite aux guerres locales (ayant éloigné le commanditaire de ce projet), suivies de la mort de Sigismond, laissant la façade principale ainsi que celle du choeur, inachevées.

Avant l’intervention d’Alberti, l’église San Francesco à Rimini se présente sous la forme d’un édifice de plan rectangulaire simple, construit en brique et revêtu en façade par un enduit. Elle compte une nef simple, bordée de part et d’autre par quatre chapelles. Le rythme que créent à l’intérieur de l’église les proportions de ces chapelles, leur degré d’ouverture sur la nef, ainsi que les baies qui les éclairent, se retrouve également en façade dans l’espacement entre les baies. Deux types de chapelles s’alternent dans la composition : des chapelles (A) largement ouvertes sur la nef et possédant deux baies en façade ; des chapelles (B) ouvrant sur la nef par une porte étroite et en façade par l’intermédiaire d’une seule baie. Les chapelles sont disposées selon un rythme AABAAAA. De manière générale, l’édifice est peu ouvert en façade et dépourvu de décorations et ornements.

Analyse

Le premier élément important à noter est que la modification n’a pas comporté de démolitions, car Alberti s’est volontairement limité à ajouter de la matière pour créer la nouvelle façade extérieure de l’édifice. Il décrit ainsi sa propre intervention : «talvolta si addossa una parete a un’altra come una pelliccia infilata sopra un vestito»10 (Alberti, éd. 1966, p. 325). Pour cela il a enveloppé l’édifice existant dans trois nouvelles façades dessinées selon les règles d’une composition architecturale largement référencée à l’antiquité. Les nouvelles façades voilent presque entièrement les façades préexistantes, qui sont laissées intactes. (Illustration 5)

Temporalité, attitude architecturale, référence à l’ancien

Réalisée deux cents ans après la construction de l’église de Saint-François, la transformation d’Alberti illustre clairement la rupture intellectuelle et historique qu’a entraîné la redécouverte de l’art antique, dont l’architecte a été l’un des principaux porte-voix. Le style (forme, vocabulaire architectural et décor) de l’édifice s’inspire de l’Antiquité, sans qu’aucun lien ne soit établi entre l’édifice ancien et les éléments ajoutés. La référence à l’antique est poussée jusque dans les détails, car certains matériaux de la façade principale ont été récupérés sur des édifices romains.

Composition dans la confrontation

Le projet d’Alberti propose une mise en contraste entre neuf et ancien par le biais du contraste, à la fois dans les matériaux, le rythme, la structure, le décor et la géométrie.

Sur les façades latérales, le rythme des nouvelles arcades (CCCCCCC), est indépendant de celui des fenêtres de l’église existante (AABAAAA) et il correspond à son propre système de mesure en référence aux « arcs intérieurs du Colisée » (Pane, 2008, p.96) qu’Alberti a scrupuleusement relevés. Ce dernier reproduit le même nombre de baies, mais il en propose une nouvelle interprétation. Les sept arcades créent un rythme régulier qui entraîne un décalage entre les nouvelles et les anciennes ouvertures, donnant ainsi la sensation que le rythme de l’ancienne façade était aléatoire et chaotique, à l’exact opposé de la rigueur du rythme introduit par Alberti. (Illustration 6)

Les ouvertures existantes sont hautes et étroites, tandis que celles qui ont été ajoutées sont presque aussi larges que hautes. Les baies existantes sont couronnées par des ogives, celles d’Alberti par des arcs en plein cintre. De ce fait, les discordances se manifestent également au niveau des appuis des linteaux des baies, qui sont décalés. Tous les éléments d’architecture nouvellement projetés entrent en contraste avec ceux qui existaient précédemment.

La façade principale, couronnée par une grande arcade, est plaquée contre l’ancienne, dont elle laisse voir le faîtage. On ignore toutefois s’il s’agit là d’un parti adopté par l’architecte ou simplement le résultat du fait que les travaux ont été interrompus avant d’avoir été terminés. En revanche, on lit dans cette juxtaposition la volonté de rendre la nouvelle façade indépendante, sans lien avec la composition intérieure de l’édifice préexistant. Comme pour les façades latérales, la nouvelle façade se réfère entièrement à l’antique comme le démontre Franco Borsi (1980). Pour sa part, Andrea Pane souligne que la relation établie par Alberti avec l’existant se fait « sans se préoccuper d’un quelconque alignement avec les ouvertures gothiques existantes» (Casiello, 2008, p. 96).

Les nouvelles façades dessinées par Alberti sont plaquées sur trois côtés de l’édifice médiéval ; le quatrième côté aurait normalement dû subir le même traitement. Cet « habillage » donne à voir partiellement l’ancienne façade dans le vide laissé par les arcades. Bruno Zevi affirme que la non correspondance entre les baies existantes et celles ajoutées « est pour lui signe de probité et de respect » (Zevi, 1983, p. 38). On pourrait cependant y voir aussi une forme de contestation qui mettrait une distance entre une architecture existante peu considérée et les nouveaux critères de beauté inspirés des modèles antiques.

Matériaux, structure

Dans le choix des matériaux employés pour réaliser l’intervention, une nouvelle forme d’antagonisme s’ajoute aux précédentes. L’église médiévale est bâtie en brique et revêtue d’un enduit. Les baies gothiques de la façade existante sont en pierre et présentent les seuls éléments de décor des façades. L’intervention d’Alberti est intégralement mise en oeuvre en pierre blanche.

Du point de vue de la structure, « il se détache des structures plus anciennes, réalisant une enveloppe constituée d’une séquence d’arcs portés par des piliers massifs » (Pane, 2008, p. 96). Les nouvelles façades, fondées en retrait par rapport aux anciennes, n’entravent donc pas leur équilibre structurel existant et cela rend l’intervention théoriquement réversible.

Rapport au passé

Le contraste établi à divers niveaux entre la façade existante et celle qu’Alberti a ajoutée marque une rupture avec la pensée de la période précédente. La nouvelle enveloppe laisse voir l’ancienne façade en second plan derrière les arcades, mais la lecture de cette façade est faussée. En mettant à distance la façade ancienne et en la faisant sembler chaotique, on peut penser qu’Alberti est convaincu de la supériorité des principes de composition inspirés de l’Antiquité.

Interroger le projet au regard de questionnements actuels

Comme le montre Roberto Pane, Alberti affiche dans ses écrits un respect marqué pour les constructions existantes précisant qu’il « est préférable de laisser intactes les structures antiques tant que les nouvelles peuvent être érigées sans démolir11 » (Alberti, ed. 1966, p.442). Aucune démolition n’a été effectuée, ni en élévation, ni même au niveau des fondations, qui n’ont pas été touchées.

Les nouvelles façades s’adossant aux anciennes, elles pourraient être déposées en dévoilant un état antérieur intact. C’est dans cette volonté de ne rien démolir qu’on entrevoit le respect d’Alberti pour les préexistences et que se révèle une posture architecturale forte, celle de la conservation et de la stratification. Cette position rejoint celle des partisans actuels de l’intervention minimale et du respect de l’existant.

Le projet d’Alberti renvoie à d’autres préoccupations présentes, à travers la mise en contraste du neuf et de l’ancien, et par le choix de solutions qui anticipent les prescriptions de la Charte de Venise concernant la lisibilité et la réversibilité des interventions. Par les dispositifs mis en place dans ce projet, l’intervention est de fait tout aussi lisible que réversible. L’emploi de matériaux différents permet de distinguer nettement les deux états et ainsi de respecter le principe de vérité historique, car l’intervention« ne falsifie pas le document d’art et d’histoire» et en conserve le statut de « document » (Charte de Venise, 1964, p. 2).

Toutefois si son oeuvre paraît préfigurer certaines interventions contemporaines, elle en diffère en ce que le projet d’Alberti visait à donner à l’édifice une nouvelle image et une nouvelle façade, contrairement à la plupart des projets actuels qui mettent plutôt en valeur l’ancien en conservant les façades extérieures pour restructurer complètement l’intérieur. C’est notamment ce que proposent Herzog et de Meuron à la Tate Modern de Londres ou à la Caixa de Madrid lorsqu’ils mettent en avant les façades anciennes en y ajoutant une touche contemporaine sous forme d’un couronnement lumineux ou en corten. L’attitude d’Alberti peut toutefois être assimilée à celle, relativement exceptionnelle en France, des architectes Lacaton et Vassal à la Tour Bois-le-prêtre à Paris, qui ont proposé une nouvelle enveloppe pour l’édifice dont la structure est simplement juxtaposée à l’ancienne. Ils ont redonné une nouvelle figure à un édifice, des années 1950, peu considéré du point de vue esthétique.

CONCLUSION

L’exercice d’analyse effectué sur ces deux projets de transformation d’édifices existants permet de faire émerger des pistes réflexions sur les dispositifs architecturaux permettant de lier le neuf à l’ancien. Retracer les diverses étapes du projet et utiliser une charte graphique proposée par Bruno Reichlin à l’Accademia di Architettura di Mendrisio pour l’élaboration du projet dans les édifices existants (Reichlin, 2006) afin de bien différencier les composantes ; cette technique, mise en oeuvre ici, permet de comprendre comment le projet s’est fabriqué en relation avec ce qui existait, de retrouver les intentions et les dispositifs mis en place par les architectes, ainsi que l’attitude et les solutions qu’ils ont adoptées.

A partir de cette analyse graphique, on a pu faire émerger des principes de composition spécifiques à chacun des projets étudiés : la géométrie, la trame, le rythme, la structure. Dans le cas de Saint-Denis, la question de la géométrie est centrale et, à Rimini, c’est l’autonomie du rythme des ouvertures et la mise en contraste qui font composition. Toutefois les deux cas présentent des postures radicalement différentes vis-à-vis de l’édifice existant : à Saint-Denis le projet se fait dans la continuité de l’existant alors qu’au temple de Malatesta l’adjonction s’oppose à l’ancien dans une volonté de contraste.

Ces deux exemples semblent indiquer que la démarche adoptée peut porter ses fruits et renouveler à la fois le corpus de références et les thématiques de composition du projet. Par ailleurs, l’ancienneté de ces interventions permet d’avoir un recul historique nécessaire pour juger le caractère de l’intervention, un recul que nous n’avons pas dans le cas des réalisations contemporaines. Ces projets qui précèdent l’apparition de la notion contemporaine de restauration permettent d’observer une autre attitude architecturale dans l’existant.


NOTES

1 Voir Rossi, Aldo (2004).

2 Structure étatique créée en 1830 dans le but de recenser, conserver et restaurer les Monuments de la Nation.

3 Comme Pierre Prunet, Bruno Decaris, ou encore Francesco Flavigny.

4 Les Architectes en Chef des Monuments Historiques (ACMH) sont formés à l’École de Chaillot et recruté par voie de concours public. Ils sont fonctionnaires de l’Etat mais travaillent en tant qu’indépendants et sont rémunérés par honoraires. Aujourd’hui leur fonction décline mais à l’origine ils s’occupaient de tous les Monuments Historiques classés qu’ils soient publics ou privés.

5 Les architectes du patrimoine existent depuis la réforme de 2005 qui cadre les niveaux d’étude et de diplôme. Ils sont titulaires d’un DSA patrimoine obtenu après avoir suivi l’enseignement de Chaillot. Si ‘lon devait classer hiérarchiquement les architectes par compétence légale vis-à-vis des Monuments, les architectes en chef ont le plus de pouvoir, suivis par les architectes du patrimoine. Les architectes titulaires d’un DSA patrimoine ont légalement la même qualification que les architectes du patrimoine mais ils ont suivi un autre cursus de DSA que celui de Chaillot.

6 Le DSA est un Diplôme de Spécialisation en Architecture. Dans le champ patrimoine, ce titre permet d’intervenir sur des édifices inscrits, sur du patrimoine industriel ainsi que sur des Monuments Historiques à condition de pouvoir justifier de 10 ans d’expérience.

7 DPLG : Architecte diplômé par le gouvernement, ancien titre des architectes, donné jusqu’en 2005. Il a été remplacé depuis par le titre d’ADE/HMONP (Architecte diplômé d’Etat habilité à la maitrise d’oeuvre en nom propre).

8 HMONP : Habilité à la maitrise d’oeuvre en nom propre, titre remis à al sixième année d’études d’architecture en France, suite à l’obtention du diplôme d’architecte d’Etat. Le titre d’HMONP est obligatoire pour pouvoir exercer en France et s’inscrire à l’Ordre des Architecte.

9 Sur cet édifice, voir: Brankovic, Branislav (1990); Summer Mc Knight, Crosby (1953); Summer Mc Knight, Crosby (1987); Wyss, Michael (sous la direction de) (1996).

10 Parfois une paroi est adossée à une autre, comme une fourrure que l’on enfile sur un vêtement.

11 « è préferibile lasciar intatte le antichecostruzioni fintanto che le nuove possano essere innalzate senza demolire »


RÉFÉRENCES

Alberti, L.-B. (éd. 1966), De Re Aedificartoria, Livre 6, Restauro degli edifici. Milan : Edizioni il Polifilo.

Boito, C. (2000), Conserver ou restaurer : les dilemmes du patrimoine. Besançon : Les Editions de l’Imprimeur.

Borsi, F. (1980). Leon-Battista Alberti opera completa. Milan : Electa editrice.

Brandi, C. (2000). Teoria del restauro. Torino : Piccola Biblioteca Einaudi.

Brankovic, B. (1990). La basilique de Saint-Denis, Les étapes de sa construction. Courbevoie : Éditions du Castelet.

Casiello, S. (2008). Verso una storia del restauro. Dall’età classica al primo Ottocento. Florence : Edizioni Alinea.

Charte de Venise (1964) Charte internationale sur la conservation et la restauration des Monuments et des sites. Venise : Icomos. Récupérer de : http://www.icomos.org/charters/ venice_f.pdf

Pane, R. (2008), «L’antico e le preesistenze tra Umanesimo e Rinascimento», in Verso una storia del restauro, Florence : Edizioni Alinea.

Reichlin, B. (2006).Testo teorico sul riuso. Texte non publié. Mendrisio.

Rossi, A. (2004). Architettura della città. Rome : Edizioni Città studi.

Summer Mc Knight, C. (1953). L’Abbaye royale de Saint-Denis 130 photographies de Pierre Devinoy. Paris : P. Hartmann.

Summer Mc Knight, C. (1987). The Royal Abbey of Saint Denis from its beginnings to the death of Suger, 475-1151. New Haven Londres : Yale University Press

Viollet-le-Duc, E. (1967, prem. Ed.1800), Dictionnaire Raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, article « restauration ». Paris : F. De Nobele

Wyss, M. (sous la direction de) (1996). Atlas historique de Saint-Denis, des origines au XVIIIe siècle. Paris : Édition de la Maison des Sciences de l’Homme.

Zevi, B. (1983), Leon-Battista Alberti « critico-architetto », pretesti di critica architettonica, in ID : Torino.